Culte 26 octobre 2025

Fête de la réformation - prédication André Bonnery

Prédication à Carcassonne, le 26 octobre 2025.

Fête de la Réformation

Texte du jour : Luc 18, 9-14

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                               

Dans la parabole du pharisien et du collecteur d’impôt, dont nous avons entendu la lecture, il ne s’agit pas d’un enseignement de Jésus sur la prière,  mais d’une réflexion sur l’attitude vis-à-vis de Dieu de celui qui prie.

Comme souvent dans les paraboles les personnages sont présentés de manière schématique,  à la limite, caricaturale. Le pharisien dont il est ici question, met le « je » en avant. Bardé de piété et d’œuvres méritoires (il pratique le jeûne et la dîme scrupuleusement), il rend grâces à Dieu pour ce qu’il est convaincu d’être : un homme de bien, en tous points un Juif  exemplaire. Il est convaincu de sa supériorité sur les autres, notamment,  sur ce détestable collecteur d’impôts, membre d’une catégorie sociale souverainement méprisée par ses compatriotes, parce que composée de collaborateurs de l’occupant romain.

Par opposition, le « je » que le collecteur met en avant, c’est celui du pêcheur conscient de son indignité devant Dieu : « Mon Dieu, prends pitié du pêcheur que je suis. »

La parabole se conclut par la  sentence paradoxale du renversement des valeurs : « Tout homme qui s’élève sera abaissé, mais celui qui s’abaisse sera élevé. » Et Jésus de déclarer : « Le publicain redescendit chez lui, justifié. »

C’est aujourd’hui la Fête de la Réformation pour les Églises protestantes. Je voudrais partir de cette déclaration de Jésus : « celui-ci redescendit chez lui, justifié, » pour rappeler que la bonne nouvelle d’une justification gratuite et inconditionnelle est au cœur du protestantisme, plus précisément,  de la théologie de l’apôtre Paul que l’on met en avant dans la Fête de la Réformation : Le salut par grâce.

 

1-Jésus Sauveur, qu’est ce que cela signifie nous aujourd’hui ?

Avec cette question nous sommes appelés à nous interroger sur la pertinence du langage que nous employons lorsque nous parlons de notre foi, et à revisiter l’un des thèmes essentiels de la Réforme au XVIe siècle.

Vous ne l’ignorez pas, à la fin du Moyen-âge, les populations chrétiennes étaient obsédées par le salut éternel  « Comment assurer son salut » ? C’était la grande question que l’on se posait dans l’Europe alors quasi uniformément  chrétienne, du moins d’après les témoignages que nous en avons : les prédications qui ont été conservées, les traités théologiques ou de morale, et les nombreux legs faits par les donateurs qui terminent tous ainsi, « pour le salut de mon âme et celle des miens. » Mais les témoignages les plus connus et les plus populaires sont les images peintes ou sculptées dans les églises, montrant  les tourments subis par les pêcheurs dans le purgatoire et, pire encore, les supplices éternels réservés aux impénitents en enfer. Que l’on songe à la grande fresque du mur occidental de la cathédrale d’Albi ou au tympan de l’abbatiale de Conques ainsi qu’au grand retable gothique retrouvé dans la cathédrale de Narbonne…

Assurer son salut ! Luther lui-même n’a pas échappé  à cette angoisse et c’est pour en être délivré qu’il a engagé une réflexion. Il a découvert, notamment à travers les lettres de Paul, qu’on ne peut se sauver à partir de ses efforts et de ses mérites, mais qu’on est justifié (rendu juste aux yeux de Dieu), par grâce, par don gratuit de Dieu. Cette découverte capitale l’a rassuré et l’a conduit à entamer une réforme de la théologie et des pratiques de l’Église.

Cinq siècles plus tard, notre monde a complètement changé. Certes on a encore peur de la mort et l’on se tourne vers la médecine pour en retarder le plus possible l’échéance, mais peu nombreux sont ceux qui se préoccupent  de leur salut éternel. Si l’on posait la question à brûle pourpoint : « que signifie pour vous le salut en Jésus-Christ » on devinerait d’énormes points d’interrogation sur la tête de nos interlocuteurs. Ce qui, au XVI siècle était une préoccupation majeure est devenu aujourd’hui une incongruité. Alors, le salut « par grâce » ou par les « œuvres »…. c’est une affaire de religion !

 

2-Être sauvé de quoi ? »

 De la maladie, de la faim, du chômage, d’une invasion étrangère, du dérèglement climatique, du délabrement causé par la vieillesse? Pour tout cela  l’être humain a fait suffisamment de progrès techniques pour se débrouiller tout seul, et il continuera. Du moins veut-on le croire. Il n’a pas besoin du secours des religions pour assurer sa survie, son salut, et le développement des sociétés. Il peut même acquérir par lui-même une certaine sagesse et construire une morale sociale. La religion ne peut être qu’une entrave, tout au plus une béquille, une consolation.

Toute la culture de nos sociétés tourne sur le fait qu’il faut être fort, indépendant, bien armé pour affronter la vie. C’est d’ailleurs à cela que l’on pense d’abord dans l’éducation des enfants : leur donner des bases solides. Si en plus on peut leur laisser un bel héritage, c’est encore mieux. Tout cela est sans doute bon mais, même avec ces bases solides, on n’est jamais à l’abri d’échecs professionnels, ou conjugaux d’une maladie handicapante, d’un deuil, d’un revers de fortune. Il n’y a pas de véritable assurance contre ces déboires, ces tempêtes de la vie.

                                                  

3-Maîtriser son existence, une utopie.

C’est en faisant ce constat précisément que se pose la question du salut. Je ne peux pas maîtriser totalement mon existence ; même si je suis bien armé, si j’ai beaucoup d’atouts, j’ai besoin forcément des autres. Et même avec eux je n’y parviendrai pas nécessairement. Pourquoi ? Parce que ma vie a un sens et un fondement qui me dépassent et qui dépassent la société dans laquelle je me trouve. Je ne suis pas arrivé par hasard à l’existence et celle-ci ne se termine pas avec ma mort. Je ne suis pas mon propre fondement, je ne suis ni mon Alpha, ni mon Oméga. Je suis donc éminemment fragile lorsque je suis  livré à moi-même. C’est là qu’intervient la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. Ma vie n’a de sens plein que dans le plan de Dieu. La vraie réussite de ma vie ne dépend pas de moi seulement. Christ vient me sauver d’abord de moi-même, de cette idée que je puis m’en tirer tout seul.

Qu’elle soit la narration d’un événement bien précis ou simplement une métaphore, l’histoire des disciples pris dans une tempête sur le Lac de Tibériade, montre qu’à un certain moment les tempêtes de la vie peuvent nous submerger. Spontanément les disciples se tournent alors vers Jésus qui dort à la proue du navire, apparemment indifférent au drame qui se joue. Alors, d’un mot il calme la tempête.

(Lire Luc 8, 22-25) « Or, un jour, il monta en barque avec ses disciples et il leur dit : Passons sur l’autre rive du Lac, et ils gagnèrent le large. Pendant qu’ils naviguaient, Jésus s’endormit.. Un tourbillon de vent se le va sur le Lac ; la barque se remplissait et ils se trouvaient en danger. Ils s’approchèrent et le réveillèrent en disant : Maître, maître, nous périssons ! Il se leva, menaça le vent et les vagues : ils s’apaisèrent et le calme se fit. Puis il leur dit : où est votre foi ? Saisis de crainte ils s’émerveillèrent et ils se disaient entre eux. Qui donc est-il pour qu’il commande même aux vents et aux flots pour qu’ils lui obéissent ? » Cette histoire nous est racontée pour nous rappeler que Jésus depuis qu’il s’est fait homme pour partager notre existence est présent au cœur de nos vies et de nos drames, même si nous croyons qu’il dort. Il est vraiment notre Sauveur, en ce sens qu’il est notre fondement, notre point d’équilibre, le phare qui guide ma barque et le rivage où j’aborderai infailliblement, si je mets en lui ma Foi, c’est-à-dire ma confiance.

 

4-Faire confiance, c’est là que se trouve le problème et en même temps la solution.

 Lorsque Luther découvrit que l’on est sauvé par grâce, ce fut une véritable libération. Aujourd’hui où l’humanité a la prétention de trouver en elle-même sa finalité, où elle met sa confiance dans ses capacités techniques (dans les œuvres) pour se sauver, on aboutit au même résultat qu’au XVIe siècle, le désarroi et le doute devant l’échec.

La  découverte de Luther, son illumination, reste pertinente dans la société contemporaine Si l’on accepte de placer en Dieu sa confiance, de se dire qu’il nous aime inconditionnellement, alors on est libéré de l’angoisse de devoir se justifier devant les autres et devant soi-même. Qu’elles que soient les tempêtes que j’aurai à affronter ou que j’affronte, je sais que ma vie a un sens puisqu’elle repose  sur lui : il est mon fondement. Avec lui, je suis sauvé. Oui, dans cette perspective, ma vie vaut la peine d’être vécue.                    

L’Évangile ne nous dit pas autre chose :

« Heureux vous les pauvres, heureux vous qui avez faim, heureux vous que êtes rejetés et persécutés » C’est-à-dire vous qui avez abandonné votre prétention à vous sauver par vous-même et qui en Dieu avez placé votre confiance, vous obtiendrez la vie en plénitude.

Par contre « Malheureux les riches, ceux qui sont repus, ceux qui se glorifient de leurs succès » C’est-à-dire : Tous ceux qui ont mis leur confiance en eux  seuls ne pourront au final que connaître l’échec et la désillusion, car leur vie n’est pas fondée sur le roc mais sur les sable. Notre roc et la boussole de notre vie, c’est Jésus-Christ, le Sauveur.

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