Culte du 15 juin 2025

culte André Bonnery (prédication)

Pour tous ceux qui n’ont pas pu assister au culte de dimanche dernier à Carcassonne, veuillez trouver ci-après la prédication du culte du 15 juin 2025 :

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Lectures : Romains 5, 1-5 ; Jean 16, 12-15.

 

1-Comment comprendre la Trinité ?

Le premier dimanche après la Pentecôte est consacré par la liturgie à la Sainte-Trinité. C’est, historiquement la première fête théologique et elle est assez tardive puisqu’elle n’apparaît qu’au XIIIe siècle. Les autres fêtes, consacrées à un événement de la vie du Christ : Noël, l’Épiphanie, Pâques, l’Ascension, Pentecôte, sont beaucoup plus anciennes.

La Trinité est sans doute l’une des notions les plus difficiles à cerner et de fait,  elle a posé un  problème,  dès les origines de l’Église. La question était la suivante : Jésus, le Messie, l’élu de Dieu, le Christ qui sont des termes bibliques,  est-il l’égal du Père ? La question posée par un prêtre d’Alexandrie, Arius divisait gravement  l’Église.  Il a fallu, pour rétablir l’ordre et l’unité de la foi que l’empereur Constantin réunisse un concile de 318 évêques, à Nicée, près de Constantinople. C’était au mois de juin 325, il y a exactement 17 siècles. Je tenais, ce matin à rappeler cet anniversaire important pour l’histoire de l’Église.

Depuis le concile de Nicée qui fut complété peu après par un autre réuni à Constantinople, en 381, on dit que le Père est égal au Fils et à l’Esprit-Saint. C’est le symbole de foi commun à tous les chrétiens, qui est gravé dans le marbre dans notre temple : Père, Fils et Esprit sont trois personnes égales qui possèdent la même nature. Il s’agit d’une explication de la Trinité par des concepts appartenant à la philosophie grecque.

Cette explication ontologique, c’est-à-dire de l’Être de Dieu a été proposée par des théologiens cappadociens : Basile de Césarée, Grégoire de Nysse, Grégoire de Nazianze, notamment, pour tenter de comprendre les relations entre Père, Fils et Esprit dont parlent les Écritures. Elle fut transformée en dogme par les conciles sus nommés.

En fait, cette explication théologique assurément louable,  s’est éloignée quelque peu du terrain biblique en voulant  scruter présomptueusement (?) les hauteurs vertigineuses du mystère de Dieu. Notons que le concept même de Trinité n’apparaît pas dans la Bible. Il a été employé une première fois par Tertullien au IIIe siècle, trinitas, et il est devenu un terme de la théologie spéculative.

Quand on y regarde de près, jamais, dans le Nouveau Testament, lorsqu’il est question  du Père du Fils et de l’Esprit, les textes ne font  allusion à l’Être de Dieu en soi, mais ils parlent de Dieu pour nous, tel qu’il agit en nous, par Jésus, dans l’Esprit. En ce sens la formule « Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit, qui a été élaborée dans un contexte anti arien, peut prêter à des malentendus car elle juxtapose les trois personnes. La vieille doxologie « Gloire au Père par le Fils, dans l’Esprit » est beaucoup plus proche de la pensée du Nouveau Testament que l’on pourrait résumer ainsi: « Dieu est Père pour moi ; Jésus est frère à mes côtés ; l’Esprit est Dieu en moi. Ainsi compris, le Dieu unique est perçu de manière dynamique dans sa relation à l’homme.

Lorsque nous parlons du Père, du Fils et de l’Esprit, nous ne croyons pas à plusieurs dieux comme nous le reprochent les juifs et les musulmans. Sur une précieuse tapisserie flamande du XVe siècle, de la cathédrale de Narbonne on a représenté la Trinité comme trois personnes, figurées côte à côte, absolument identique : un multiplié par trois. Ce type de figuration est tellement ambigu que l’Église catholique a fini par l’interdire. Jamais les premiers chrétiens qui étaient  des Juifs par leur l’origine et par la foi, n’ont mis en doute l’unicité absolue de Dieu. Alors comment faut-il entendre l’expression «  Fils de Dieu », attribuée à Jésus dans les Écritures ?

 

2 – Jésus, Fils de Dieu.

Jésus lui-même ne s’est jamais présenté explicitement comme Fils de Dieu. Il a même décliné toute identité directe avec Dieu. A celui qui s’adressait  lui en disant : « Bon Maître », il réplique aussitôt : « Pourquoi m’appelles-tu  bon ? Nul n’est bon, sinon Dieu seul » Il marque ainsi sa distance entre lui et le Père. En revanche, il n’a jamais dit, comme les prophètes de l’A.T. « Ainsi parle le Seigneur ». Au contraire, et c’est un exemple unique dans le monde juif,  il parle en son nom en employant les pronoms « je » et « moi » :  « Il vous a été dit… et moi je vous dis ». On ne peut exclure l’idée que cet envoyé du Père a parlé et agi en fonction d’un lien particulier avec lui. Un lien si exceptionnel que nul autre Juif n’a osé le revendiquer de cette manière : interpréter la Loi donnée par Dieu de sa propre autorité !

Dans l’Ancien Testament, on trouve l’expression « Fils de Dieu » pour désigner le roi, les juges, les anges et même le peuple d’Israël, mais c’est toujours de manière analogique ou dans le sens d’adoption. Par contre, ce n’est pas un titre messianique ; jamais le Messie n’est désigné comme Fils de Dieu. Jésus a été reconnu par ses disciples comme le Christ, l’oint, celui qui a été choisi par Dieu pour être son Messie, son envoyé, son messager. Après la Résurrection, à la suite d’expériences nombreuses, ils ont acquis la conviction que Jésus n’avait pas été retenu dans la mort, mais qu’il était « vivant, ressuscité, élevé  par Dieu et entré dans la vie éternelle. Ils se rappelèrent alors quel attachement, quelle proximité, le Nazaréen avait eus avec Dieu : Il pensait, parlait, agissait dans une intimité absolue avec celui qu’il appelait son Père et même, en araméen abba, papa. De manière très logique, pour les disciples, celui qui appelait Dieu son père, pouvait être considéré comme son fils. La chose était d’autant plus normale pour un Juif qu’il pouvait se représenter l’élévation-résurrection de Jésus auprès de Dieu comme l’intronisation d’un roi d’Israël. Voir le Psaume d’intronisation 2, 6-7 : « J’ai sacré mon roi… tu es mon Fils, moi je t’ai engendré » De même que le roi d’Israël était institué Fils de Dieu après son élévation sur le trône, ainsi Jésus ressuscité pouvait être appelé son Fils. Cela ne posait aucun problème pour les disciples qui étaient des juifs imprégnés du vocabulaire et de notions bibliques.

A ceux qui interrogeaient les apôtres : « où est le Ressuscité, ils pouvaient répondre : « il est assis à la droite du Père », non pas dans une communauté métaphysique d’Être (ce sont les conciles grecs du  IVe siècle qui ont développé cette notion), mais dans une communauté biblique de trône. Le Royaume de Dieu et le Royaume annoncé par Jésus : « mon Royaume », sont  une seule et même réalité pour les disciples, après Pâques. L’investiture de Jésus le Messie, élevé auprès de Dieu comme Fils, fait sans doute partie de la prédication la plus ancienne. Voilà pourquoi dans une confession de foi pré paulinienne, qui est utilisée comme introduction à l’épître aux Romains, il est dit : « Jésus-Christ est établi, selon l’Esprit-Saint, Fils de Dieu, avec puissance, par sa résurrection d’entre les morts » (Rm. 1, 4).

S l’on ne considère pas  les dogmes, créations humaines, qui ont eu sans doute une utilité, et sont liés à des concepts philosophiques contingents, mais si nous interrogeons directement l’Écriture, elle nous dit que la filiation divine de Jésus, est exprimée non pas comme une génération biologique ou une génération ontologique, mais comme une élection, en tant que Christ et Messie de Dieu, par le Père qui lui remet les pleins pouvoirs, le faisant Seigneur. La foi juive des disciples en un Dieu unique, ne s’opposait pas à cette conception de la filiation divine de Jésus.

 

3 – Et le Saint-Esprit ?

La plupart des malentendus sur le Saint-Esprit viennent de ce qu’on le dissocie de Dieu pour en faire un Être autonome. A juste titre, le Concile de Constantinople de 381 qui a étendu au Saint-Esprit la profession de foi de Nicée centrée sur le Fils, affirme que l’Esprit possède un seul et même Être, avec le Père et le  Fils. J’aime bien cette image de la Pentecôte que l’on peut observer sur une plaque d’ivoire au Musée de la cathédrale de Narbonne. On y voit les douze assemblés devant le Cénacle tandis que, de la main du Père sortent des rayons (les langues de feu de la Pentecôte) qui se posent sur la tête des apôtres. Ici,  Dieu lui-même communique son Esprit aux disciples assemblés : L’Esprit est Dieu en action, et non pas une personne à côté du Père.

La conception que l’on se faisait de l’Esprit dans la communauté primitive n’est pas uniforme. Luc,  tant dans son Évangile,- que dans les Actes, s’intéresse aux aspects extraordinaires de l’action de son action : L’Annonciation, la Pentecôte. Paul, au contraire comprend l’Esprit à partir du grand tournant que représentent la mort et la résurrection de Jésus : « Dieu l’a ressuscité d’entre les morts.» Jésus est désormais vivant par l’action de Dieu. Bien plus, chez Paul, Jésus ressuscité par la puissance et la force de l’Esprit de Dieu peut être considéré lui-même comme Esprit vivifiant : «le dernier Adam, (Jésus), est un être spirituel donnant la vie (1Co, 15,45). Dans la théologie paulinnienne, Père, Fils et Esprit, sans se confondre, sont bien  considérés dans un jeu de relations.

 

Conclusion

En guise de conclusion à cette réflexion sur la Trinité, je voudrais  vous rappeler ce  passage de Jean, 16, 14-15 qui a été lu comme évangile de ce jour. Après avoir annoncé à ses disciples qu’il ne les laisserait pas seuls mais qu’il leur enverrait son Esprit, Jésus termine par ce que je vous propose comme la plus belle définition de la Trinité que l’on peut trouver dans les Evangiles : « (l’Esprit) recevra ce qui est de moi et vous le communiquera. Tout ce que possède mon Père est à moi, c’est pourquoi j’ai dit qu’il (l’Esprit) vous communiquera ce qu’il reçoit de moi » (v.14-15). Dit autrement :   Tout ce qui est au Père est à moi ; l’Esprit le reçoit de moi et il vous le transmettra. 

Nous avons là, non pas la définition d’une Trinité ontologique, statique, mais celle d’un Dieu unique dynamique se révélant aux hommes à travers son Fils, le Messie qu’il a fait Seigneur, agissant  par son  Esprit. AMEN.

 

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